Suspension des opérations de Barrick Gold au Mali : la junte change les règles du jeu

Photographe : Michel Cattani, AFP.

De quoi on parle ?

Au Mali, un bras de fer oppose depuis des mois la junte au pouvoir aux compagnies minières étrangères, en particulier le géant canadien Barrick Gold qui détient 80% des revenus générés par le complexe aurifère Loulo-Gounkoto, le plus important du pays. Depuis son accession au pouvoir via un coup d’État en 2020, le général Assimi Goïta s’emploie à faire renaître la souveraineté malienne. Ainsi, alors que les cours de l’or ne cessent d’augmenter, le gouvernement réclame la renégociation des contrats et redéfinit les règles du jeu. Le nouveau code minier introduit notamment une réforme permettant à l’État d’acquérir 30% des parts dans les nouveaux projets miniers tout en réduisant les avantages fiscaux des entreprises étrangères.

L’État réclame désormais des contributions financières et des redevances plus élevées, ce à quoi le géant canadien s’oppose résolument. En réponse, les autorités bloquent depuis plus de sept semaines les exportations d’or provenant de la réserve de Loulo-Gounkoto, une situation à laquelle Barrick Gold a réagi en menaçant de suspendre ses opérations.

C’est chose faite. Le samedi 11 janvier, les autorités ont saisi quelques 3 tonnes d'or (environ 240 millions d’euros) sur le site, transférés le soir même à la Banque malienne de solidarité. Barrick Gold a annoncé la suspension de ses opérations dans la foulée.

Pourquoi c’est important?

La situation au Mali n’est pas isolée. Elle s’inscrit dans une dynamique plus large de réaffirmation de souveraineté par les pays miniers du Sahel où les juntes militaires exercent des pressions grandissantes sur les compagnies étrangères comme au Burkina Faso et au Niger.

Pour le Mali, un des pays les plus pauvres du monde et troisième producteur d’or du continent, le métal précieux est sa première source de revenu, contribuant à 25% du budget national et 75% des recettes d’exportations. Reprendre l’ascendant sur Loulo-Gounkoto a donc un intérêt stratégique majeur pour la junte qui pourrait maximiser ses bénéfices et revenir sur les précédents accords d’exploitation.

Néanmoins, la suspension des opérations de Barrick Gold va vraisemblablement fragiliser l’économie malienne pour un temps, mettant à la porte 8000 employés et de nombreux sous-traitants.

Une autre inquiétude concerne l’attractivité du Mali pour les investisseurs étrangers, potentiellement découragés par cet épisode tumultueux avec le groupe canadien et par les nouvelles règlementations. La voisine et principale concurrente du Mali, la Côte d’Ivoire, pourrait bien en bénéficier avec ses deux importants gisements d'or : Lafigué et Koné, qui entreront en production cette année.

Pour finir

Il est important de comprendre que cette crise entre l’État malien et Barrick Gold signale en réalité un bouleversement profond des rapports de force au Sahel. Le Mali suit une dynamique nationaliste régionale de plus en plus importante.

Cet épisode reflète le déclin occidental qui a lieu depuis quelques années dans la région, marqué à la fois par le départ progressif des forces militaires (Barkhane en 2022) et la renégociation de contrats historiques. Devenu un paria, l’Occident laisse un espace précieux à de nouveaux acteurs comme la Chine dont la présence économique ne cesse de s’étendre via des investissements massifs et l’exploitation des ressources (or, lithium, uranium…).

En attendant, la société Barrick Gold espère trouver un accord avec les autorités maliennes mais continue de refuser le versement de redevances plus élevées.

Valentine L.

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